Cette non-tolérance est teintée d'un égoïsme flagrant, les personnes qui la vivent pensent que toutes les valeurs qui les constituent valent mieux que celles de leurs voisins. Il y a peut-être une certaine peur qui caractérise ces états extrêmes : la peur de se tromper. Les gens qui, sans faire preuve de discernement, cherchent à imposer leur idées et concepts aux autres, en fin de compte, ne cherchent-ils pas vainement à partager leur point de vue pour tenter de se rassurer, s'imaginer qu'ils seront ainsi moins seuls ? Et que se passe-t-il si la personne qu'ils essaient de convaincre n'est pas réceptive ? Ils se renferment dans leurs positions, et finissent par stagner, rester enfermés dans les dogmes qu'ils se sont imposés. Ils passent à côté de leur but : la réalisation. Peut-être aussi que ces personnes sont intimement convaincues d'avoir raison, et ne ressentent pas le moins du monde cette peur. Alors simplement ils ignorent le mal qu'ils font : c'est aussi très dangereux, car en essayant d'imposer leur vision à des gens qui n'ont pas forcément les mêmes besoins qu'eux, ils risquent de les bloquer. Ils se bloquent, et bloquent les autres, les faisant passer à côté de leurs vrais besoins.

Chacun doit trouver sa propre voie, mais il n'est pas permis de l'imposer aux autres, car ceux-ci n'ont pas le même vécu, les mêmes expériences derrière eux. Il faut donc laisser chaque être faire son bout de chemin de son côté, lui laissant tout le loisir de grandir à sa manière. Et pour nous-même, il ne faut pas refuser le changement. Peut-être qu'après avoir suivit une voie durant un certain temps, on éprouvera peut-être le besoin d'en changer. Notre échelle de valeurs morales se modifie à mesure que nous évoluons, il faut alors tendre vers un idéal plus élevé à atteindre. En fin de compte, nous courons tous vers un même but; seulement il y a énormément de manières d'y arriver.

En Inde par exemple, il existe de nombreux types de yogas, que la personne doit choisir en fonction de ses tendances. Par exemple, le bhakti-yoga (yoga de la dévotion) conviendra mieux à des personnes qui ont des prédispositions à l'amour qu'à des intellectuels. Le jnana-yoga, en revanche, vise une approche plus intellectuelle et philosophique de l'être humain. Le karma yoga, ou yoga de l'action, vise la perfection en passant par le travail. Certains préfèreront la voie du détachement et vivront reclus dans une caverne, d'autres choisiront le tantra-yoga, et chercheront à tirer profit de leurs sens pour acquérir la sagesse. Tous ces yogas font passer par des voies différentes propres à chaque type de caractère, néanmoins ils sont tous complémentaires. Bien qu'en apparence ils parait y avoir parfois des détails qui divergent d'un yoga à un autre, un esprit qui a du discernement et de l'entrainement arrivera à mettre en corrélation tous ces types de yoga qui mènent finalement au même but par des moyens différents.

Deux voies peuvent sembler être en contradiction, et l'on peut disserter longtemps pour savoir laquelle des deux est la bonne, malheuresement cela ne sert à rien. En revanche, essayer de comprendre ces deux voies et les unifier, pourra donner, avec un peu de pratique de bons résultats. On se rend alors compte que les deux voies d'apparence contraire sont une seule et même voie, mais à des degrés d'évolution différents. Elles ne répondent pas aux mêmes besoins, elles se suivent, font état d'une continuité et répondent à tous les besoins. Il n'y a pas de voie meilleure qu'une autre, il y a des voies adaptées aux besoins de chacun, rien ne sert de s'engager dans une voie qui n'est pas la notre.

Voici deux passages du livre "Les yogas pratiques" de Swami Vivekananda, qui illustrent ces idées :

  • Prenez le soleil - Le soleil est unique, mais quand vous et moi et cent autres personnes se tiennent à différentes places et le regardent, chacun voit un soleil différent. Nous n'y pouvons rien. Un très petit changement de position changera toute la vision qu'un homme a du soleil. Un léger changement dans l'atmosphère donnera de nouveau une vision différente. De même dans la perception relative, la vérité apparait toujours diverse, mais la vérité absolue est seulement une.
  • Quand on est enfant, par exemple, votre père vous met entre les mains un livre qui dit que Dieu est tel et tel. Quel droit a-t-il de vous mettre cela dans l'esprit ? Comment connait-il la façon dont vous vous développerez ? Ignorant votre développement constitutionnel, il désire imprimer ses idées dans votre cerveau, et le résultat c'est que votre croissance en est entravée. Vous ne pouvez pas faire pousser une plante dans un sol qui ne lui convient pas. Un enfant s'instruit lui-même; mais vous pouvez l'aider à avancer sur son propre chemin. Vous pouvez écarter les obstacles, mais le savoir sortira spontanément. Sarclez un peu le sol afin qu'il sorte facilement. Mettez une haie tout autour, veillez à ce qu'il ne soit tué par rien; là s'arrête votre tâche. Nous ne pouvons rien faire d'autre. Le reste est une manifestation qui vient de l'intérieur de l'enfant. Voila l'éducation d'un enfant : l'enfant s'éduque lui-même. Je ne pourrai jamais rien vous enseigner, vous devez vous enseigner vous-mêmes, mais je peux vous aider éventuellement en donnant une expression à votre pensée.